C’est avec le sens du devoir accompli que nous quittons le lac Colbun et la petite bourgade du Colorado, théâtre de notre première semaine complète et réussie de work-away. Nous évitons de jeter un regard trop long derrière la voiture lorsque nous quittons le camping familial où Hulk, l’adorable berger allemand qui nous suivait comme nos ombres pendant 8 jours, reste immobile à l’entrée du parking, comme s’il comprenait le drame qui se jouait sous ses yeux. Quitter les humains est une chose déjà difficile, mais les p’tits chiens... (bon ok, "Hulk" n’avait rien de "petit", mais on a une norme entre nous qui veut que tout chien, quelle que soit sa taille, puisse être considéré comme un "p’tit chien"... chacun ses faiblesses !)


De substantielles économies ayant été faites pendant ces quelques jours de relatif labeur, nous nous embarquons sans peur vers l’onéreux Graal de notre 5ème mois de voyage : la tant attendue Patagonie.


7 heures de bus plus tard, et nous arrivons à ses portes, à Pucon, au Nord de la célèbre région des lacs qui s’étend à cheval entre le Chili et l’Argentine. Même si nous arrivons de nuit dans la ville, nous remarquons immédiatement que le style des maisons est très différent de tout ce que nous avons pu voir jusqu’à présent dans tous les pays traversés. Bien que nous ne soyons qu’à quelques centaines de mètres au dessus de la mer, la plupart des habitations de la ville sont construites en bois et ressemblent farouchement à des chalets de station de ski. 


C’est en nous promenant dans le centre le lendemain matin que nous comprenons que cette charmante petite ville "côtière", située au bord de l’immense lac Villarrica, est une ancienne colonie allemande. Nichée au nord du parc national Villarrica et aux pieds du volcan du même nom, le décor créé par les sommets environnants enneigés a tout pour rappeler les petites villes de montagne du sud de l’Allemagne. Étonnant tout de même pour ce pays que l’on savait colonisé par les Espagnols (comme tout le reste du Sud du continent) mais dont on ignorait qu’il a proposé une grande partie de ses terres du Sud à des colons allemands à la fin du 19ème siècle, dans une politique assez pertinente de peuplement des territoires un peu plus "hostiles" que ceux du Nord. Et la stratégie s’est avérée payante, puisque les colons allemands, qui étaient certainement les seuls à pouvoir survivre, et même se plaire dans un climat si froid, ont permis le développement économique et touristique de cette région qui attire désormais des milliers d’étrangers chaque année.


Le charme de Pucón et de ses villes voisines situées en bord de lac est irrésistible, et nous prenons beaucoup de plaisir à les visiter pendant la semaine que nous passons dans la région. Que ce soit ici ou un peu plus au Sud, à Puerto Varas où nous nous arrêterons aussi quelques jours, nous pouvons profiter d’un magnifique tableau créé par les nombreux volcans enneigés qui entourent la plupart des lacs de la région. 


À peine à quelques kilomètres de Pucón, le volcan Villarrica qui domine la ville est l’un des plus actifs du pays, et même si sa dernière grande éruption date de près de 50 ans, en 1971 (30 millions de mètres cubes de lave pour des coulées parfois longues de 14km), il fait régulièrement la une des infos locales et mondiales qui redoutent plusieurs fois par an une nouvelle éruption. En alerte maximale à peine quelques semaines avant que nous arrivions dans la région, nous avons la chance de voir le niveau diminuer avant notre venue, et nous pourrons l’admirer sans risque à de nombreuses reprises, une belle fumée blanche s’en échappant, mais semblant tout à fait anodine pour l’ensemble des habitants du coin. 


L’une des plus belles vues que nous en aurons sera celle offerte par les miradors du parc national Huerquehue, dans lequel nous nous aventurons pour une journée de randonnée qui va s’avérer bien plus épique que prévue : si le premier tiers de la grimpette qui se présente à nous ne nous confronte à aucune difficulté que nous ne connaissions pas, malgré une humidité proche de la bruine assez intense, nous nous retrouvons rapidement avec plusieurs centimètres de neige fraîche sous les pattes, et nos fines chaussures de randonnée, adaptés à des climats bien plus chaleureux, nous démontrent rapidement et sans aucune honte toutes leurs limites. Intrépides aventuriers que nous sommes, nous hisserons nos pieds détrempés jusqu’au sommet de la randonnée et la première lagune du sentier, résisterons pendant notre rapide casse-croûte englouti, sans pouvoir s’asseoir, aux assauts répétés des chutes de neige qui fond dans les arbres et écrase tout sous elle, et déguerpirons finalement assez vite de ce décor rendu tout de même majestueux par l’épaisse pellicule blanche qui en recouvre les moindres recoins.


Quelques heures de descente et de chutes dans la neige plus tard, et nous retournons complètement trempés à l’entrée du parc, où nous essayerons péniblement de faire sécher un minimum les gants, chaussettes, bonnets, passeports et autres victimes de notre aventure humide.


Heureusement pour nous, notre chambre en auberge est dotée d’un petit radiateur électrique mobile qui soufflera de toutes ses forces pendant toute la soirée sur nos affaires, et nous permettra de prendre notre bus du lendemain matin sans la moindre trace restante d’humidité. Mais cette expérience restant un peu traumatisante dans nos esprits congelés, nous prenons la décision assez logique et sensée d’investir dans des chaussures de randonnée étanches et plus adaptées aux intempéries que nous risquons de croiser dans les régions du Sud que nous nous apprêtons à arpenter.


Remis de toutes ces émotions, nous arrivons à Puerto Varas pour constater qu’ici ce n’est pas un, mais bien deux volcans qui constituent le panorama du front de lac de la ville. Deux volcans qui s’avéreront néanmoins assez timides puisque nous n’aurons la chance d’en apercevoir les sommets que très rarement, le matin, quand les grands nuages blancs provoqués par l’évaporation de leur neige ne les recouvre pas encore pour le reste de la journée.


C’est au cours d’une longue balade dans le parc national Vicente Perez Rosales que nous aurons l’occasion d’en approcher un de plus près. Après avoir admiré le spectacle incroyable des chutes de Petrohue, ensemble de cascades d’eau turquoise qui s’enchaînent sur des centaines de mètres dans des crevasses formées par une roche volcanique sombre, nous allons nous promener aux pieds de l’Osorno, le volcan qui en constitue la toile de fond splendide. Plusieurs kilomètres de marche à ses pieds le long du lac voisin avant de nous aventurer dans les anciennes coulées de lave devenues de grandes tranchées sablonneuses où nulle plante ne repousse. Après la neige, le sable noir ! Bon, c’est tout aussi pénible pour avancer, mais au moins on garde les pieds au sec !








Une petite virée dans la ville voisine de Frutillar, au style germanique toujours présent et voilà déjà l’heure de reprendre la route pour notre étape, toujours dans la région des lacs, mais cette fois-ci de l’autre côté de la frontière, en Argentine. Nous quittons le Chili pour l’instant mais temporairement seulement, puisque nous y retournerons quelques jours mais bien plus au Sud, en plein cœur de la Patagonie, pour aller y explorer le fameux parc national de Torres del Paine. À très bientôt ;)