Dans chaque voyage, il y a des étapes inattendues, celles dont on n'a anticipé ni l'existence ni l'intérêt, mais qui se révèlent incroyablement riches en émotion et qui nous laissent des souvenirs indélébiles. Et puis il y a les étapes incontournables, immanquables, celles que l'on planifie des semaines voire des mois avant le départ et dont on sait déjà qu'elles seront des moments uniques de notre voyage.


Le Machu Picchu est définitivement de ces dernières.


Les vestiges d'une construction mythique, presque légendaire, formant l'une des 7 nouvelles merveilles du monde. Un lieu au passé mystique et encore difficilement interprété. Une cité unique au monde, de par la complexité de sa construction et la folie de son emplacement.


C'est d'ailleurs ce sujet particulier qui sera le seul et unique thème de la longue journée qui précédera notre visite et qui nous mènera de Cuzco jusqu'à Aguas Calientes (aussi appelée Pueblo Machu Picchu), la ville située au pied de la montagne sacrée.


Un lieu à l'accès très difficile, car pour l'atteindre, seules trois possibilités s'offrent à ses visiteurs :

- la première consiste à trekker pendant 4 jours en suivant le chemin des Incas, pour arriver au matin du dernier jour sur les hauteurs du Machu Picchu et pleurer de joie hystériquement après avoir vécu une telle aventure. Sur le papier, on signe, mais cette solution a un prix, environ 500€ par personne, et une disponibilité rare (obligation de passer par une agence, et réservations complètes plus de 3 mois à l'avance...)

- la deuxième et la seule "officielle" pour tous les autres visiteurs, est de prendre un train depuis Cuzco, qui suit le Rio et atteint Aguas Calientes au terme de quelques heures d'un voyage offrant un paysage magnifique par son toit panoramique. Mais encore une fois, cette option a un prix, qui s'avère exhorbitant si on ne s'y prend pas plusieurs semaines en avance (environ 200$ par personne).

- la dernière enfin, dont on ne découvre l'existence que via certains blogs et dans les agences de voyage de Cuzco, consiste à prendre un van pendant environ 7 heures, de contourner tout le massif montagneux dans lequel se cache le Machu Picchu pour finalement arriver à une station hydro-électrique située à une quinzaine de kilomètres d'Agua Calientes, le long du Rio, et de marcher toute cette distance le long des rails de la voie ferrée qui relie les deux endroits... Tout un périple donc, mais une alternative clairement moins coûteuse, puisque l'intégralité du voyage revient à moins d'une trentaine de soles péruviens, soit 7€ environ, par personne.


Un peu révoltés par les prix proposés par les deux seules compagnies de train qui opèrent depuis Cuzco et désireux de ne pas trop amputer le budget qui doit nous permettre de tenir encore plus de 4 mois, nous optons pour la troisième option, conscients que le voyage ne sera pas de tout repos, mais tout de même motivés et presque un peu excités par la perspective de cette aventure.


Mais quelle aventure ce fut...


Nous n'avions pas vraiment imaginé toutes les émotions que nous nous apprêtions à vivre pendant cette journée.


Tout commence par un réveil à l'aube, mais nous y sommes bien habitués maintenant. Les 5 premières heures de bus nous offrent un confort tout à fait acceptable et surtout un paysage fantastique, passant un col à plus de 5000m d'altitude, le tout sur des routes somptueuses, bien goudronnées et offrant des perspectives magnifiques.


Mais tout se gâte au début de la 6ème heure, quand le van commence à s'aventurer sur une petite route caillouteuse, à peine plus large qu'une voiture. Le premier kilomètre se fait en bord de rivière et ne nous inquiète pas vraiment, mais très rapidement la route "s'envole" le long d'un canyon et, au bout de quelques minutes, nous nous retrouvons à flanc de falaise, avec un vide de plusieurs centaines de mètres de hauteur à notre gauche ! Mieux vaut ne pas regarder par la fenêtre si on a le vertige... Bien évidemment, aucune protection en bord de route en cas d'écart. Il n'y a plus qu'à faire confiance au conducteur, qui semble inaffecté par le paysage et fredonne Take On Me, comme tout le monde dans ce pays. Deux heures passent ainsi... On vous laisse imaginer la tension présente dans le van, renforcée par quelques moments bien inquiétants, notamment les calages du moteur avec une roue dans le vide... bizarrement partagée uniquement par les étrangers, puisque les quelques locaux qui nous accompagnent font preuve d'un calme tout à fait inapproprié et presque dérangeant.






Finalement, après quelques frayeurs supplémentaires liées à des croisements avec d'autres vans et des dérapages "presque contrôlés" dus aux nombreux petits cours d'eau qui crevassent la route par endroits (tant qu'on y est...), nous arrivons à la station hydro-électrique, qui, malgré l'absence totale de charme et d'intérêt, nous apparaît comme un lieu assez agréable puisque nos vies n'y sont pas menacées à chaque instant.


Pas le temps pour autant de se remettre de ses émotions. Il est déjà 16 heures et nous récupérons vite nos gros sacs pour commencer la randonnée qui s'offre à nous le long (et parfois "sur") des rails. Beaucoup moins de sensations fortes nous y attendent, puisque nous n'avons "que" deux trains relativement lents à éviter, et "que" 2 sur les 12 kilomètres à finir dans la nuit, avec une frontale pour 3 ! Un jeu d'enfant.


Nous arrivons finalement à Aguas Calientes bien épuisés par toutes ces émotions et par la durée visiblement infinie de cette journée.

Un bon gros poulet braisé englouti et quelques heures de sommeil plus tard, il est 4 heures du matin.


Mais qu'est ce qu'on peut bien faire à 4 heures du matin à Aguas Calientes ?

Eh bien monter les premiers au Machu Picchu voyons !

Et c'est reparti pour affronter cette nouvelle aventure, mais heureusement la seule de la journée, puisque nous décidons unanimement de nous payer le luxe de revenir à Cuzco en train le soir pour essayer de conserver encore pour quelques jours au moins nos intégrités physiques.


Il est 5 heures du matin quand nous entamons l'ascension des 1700 marches environ qui mènent au Machu Picchu. Alors oui, on aurait pu prendre le bus à 5h40 pour arriver en haut à 6h (heure d'ouverture du site) sans un seul effort, mais non ! Après la journée de la veille, on doit être un peu maso sur les bords pour s'en rajouter une couche...


Et on ne va pas se le cacher, on a souffert...


On ne pensait pas qu'il était possible de transpirer autant à une heure si matinale et à une telle altitude, mais maintenant on n'en doute plus, c'est possible ! Une sueur toutefois bien normale quand on réalise qu'on a monté toutes ces marches en moins d'une heure et qu'on arrive "seulement" 10 minutes après l'ouverture du site à la centaine de "gros touristes" qui sont montés en bus (oui oui, on était un peu énervés à ce moment-là).


Mais finalement, toute la tension accumulée depuis les 24 dernières heures disparaît en une fraction de seconde lorsque nous foulons les premières pierres des chemins Incas tracés il y a plus de 500 ans. Le réveil bien avant l'aube s'avère être la décision la plus intelligente que nous ayons prise ces derniers jours, nous permettant de découvrir un Machu Picchu encore endormi, plongé dans la pénombre, vierge de toute la turbulence humaine à venir et s'éveillant progressivement à nos yeux émerveillés.




Quel spectacle incroyable que ces ruines si bien conservées, que la timide lueur du lever de soleil vient petit à petit baigner de sa luminosité et de sa chaleur. Nous restons plusieurs dizaines de minutes assis, silencieux parmi la foule qui se presse déjà, admirant avec émotion et recueillement ce lieu extraordinaire, entouré de montagnes verdoyantes, qui se révèle au rythme des rayons de soleil qui le balayent petit à petit.


Toutes les péripéties vécues sont déjà bien loin derrière nous et nous passons plus de 4 heures à visiter l'ensemble des ruines, essayant de comprendre, ou plus simplement de réaliser, l'incroyable prouesse technologique qu'a du représenter la construction de cette forteresse perchée à flanc de montagnes.


Rarement un lieu aura provoqué en nous une telle admiration, un tel sentiment de grandeur et d'importance, nous emmenant parfois dans un silence plein de respect et de recueil, mais parfois aussi dans des débats interrogatifs infinis sur la possibilité même d'une telle construction.

Du vertigineux pont Inca à la pierre sacrée en passant par la pyramide d'Intiwatana, tout n'est qu'émerveillement.


Seul le flot de plus en plus oppressant des milliers de personnes qui commencent à affluer en fin de matinée nous poussera gentiment vers la sortie, au rythme assez énervant d'une chenille géante qui dénature le paysage et modifie considérablement l'ambiance du lieu.


Nous redescendons finalement en fin de matinée les 600 milliards de marches jusqu'à Aguas Calientes (ah oui, même en descente c'est long, très long).


C'est désormais 3 heures de train bien reposantes qui nous attendent pour rejoindre Cuzco, dont nous profitons pour dormir pour certains, pour méditer sur la beauté de ce que nous avons vu pour d'autres, avant de tous nous mettre d'accord autour d'une bonne partie de yam's :)


Que d'aventures et d'émotions vécues en 2 jours !


Quel périple, mais quel bonheur