Doucement mais sûrement, nous y arrivons.

La fin du monde.

Le bout de terre le plus austral de tous les continents.

Et des lieux qui résonnent comme des mythes : la Terre de Feu, Ushuaïa, le Cap Horn, la porte de l’Antarctique, ...


Il nous aura fallu un peu plus de 4 mois, dont des centaines d’heures de bus, pour descendre l’intégralité de l’Amérique du Sud, de ses plages du Nord de la Colombie à sa pointe Sud partagée entre le Chili et l’Argentine.


Les shorts et maillots de bain ont peu à peu été remplacés par les polaires et doudounes, notre bronzage a en grande partie disparu, et les piqûres de moustique ont laissé place aux gerçures, mais notre plaisir et notre bonheur d’explorer ce bout du monde n’a pas changé.


Mais il n’est pas encore l’heure de tirer un bilan de ce voyage qui est loin d’être fini ! Et il est temps de descendre encore un peu plus au Sud tous les trois, puisqu’Anastasia nous accompagne toujours dans notre folle épopée patagonienne.


Avant de repasser définitivement en Argentine pour atteindre Ushuaia et la Terre de Feu, nous décidons de faire un dernier stop au Chili, à quelques heures à peine au sud de Torres del Paine et de Puerto Natales, à Punta Arenas.


Cette petite ville située dans le détroit de Magellan devient une attraction touristique quelques mois seulement dans l’année, lorsque une colonie de plusieurs milliers de pingouins vient pour se reproduire sur une petite île située à quelques kilomètres de bateau. Si la meilleure période pour les observer se situe entre décembre et février, lorsque les petits sont nés et commencent à sortir des terriers pour faire leurs grands débuts dans leur vie de pingouins, nous avons quand même la chance d’arriver dans la région au moment où ils commencent à peupler l’île pour se reproduire. On nous avance même un chiffre prometteur de 10.000 individus ! Si la demi-journée d’expédition vaut son pesant de cacahuètes diamantées, la rare opportunité qui s’offre à nous achève de convaincre les plus (pour ne pas dire "le plus") sceptiques (entendez ici "économes", ou "proche de son budget-voyage", ou même "radins").


Par contre le repos devra attendre !

L’observation de pingouins est une activité très matinale, et les quatre jours de trek sont encore bien dans nos pattes et nos cernes quand nous nous réveillons, encore une fois à l’aube, pour nous mettre en route vers le bus, puis le bateau qui nous emmène vers la colonie. Une quarantaine de minutes de traversée plus tard, nous débarquons sur la fameuse Isla Magdalena, aussi appelée en toute logique Monument des Pingouins, où un petit sentier, bien délimité par des cordes, a été tracé sur une extrémité de l’île, et permet de faire une petite boucle d’un kilomètre environ parmi les terriers d’une partie de la colonie. La majorité de l’île reste ainsi protégée, et l’activité humaine quotidienne ne perturbe qu’une petite partie de ses habitants. 


Une petite partie, pour ne pas dire une poignée, car nous n’en verrons pas beaucoup plus ce matin-là, la majorité des "couples" restant bien au chaud dans leur terrier, couvant ensemble les œufs à peine pondus. Mais heureusement, à tour de rôle, mâles et femelles quittent pendant quelques minutes le confort de leur nid et pointent leur becs devant nos yeux qui n’avaient besoin que de ce petit coup de pouce pour bien s’ouvrir.


Quel plaisir de pouvoir les observer de si près, parfois à quelques centimètres seulement, quand ils font leur toilette, qu’ils s’installent sur le ventre au soleil, ou encore qu’ils avancent péniblement avec leur démarche si particulière et presque maladroite, oscillant constamment de gauche à droite, et s’arrêtant presque tous les mètres, comme s’il n’avaient aucune idée de l’endroit où ils étaient/allaient. Rien ne semble vraiment les perturber, même pas la centaine de paires d’yeux constamment braquée sur eux.


Nous resterons presque une heure sur l’île à les observer, hypnotisés par ce spectacle si inhabituel et agréable.


Avant de retourner au port et à Puerto Natales, le bateau nous emmène près d’une île voisine, sur laquelle nous ne débarquerons pas cette fois-ci, mais où vit une immense colonie d’éléphants de mer que nous observons depuis le pont. Eux n’ont pas une colonie d’humains à aller visiter de bon matin, et c’est donc en toute logique qu’ils se réveillent à peine à l’heure où nous arrivons, et seulement les plus jeunes et fougueux se mettent à l’eau pour jouer et s’approcher un peu du bateau. Malgré cette heure matinale, ça papote beaucoup sur la plage, et nous profitons presque plus d’un spectacle auditif que visuel, tant leurs cris puissants résonnent contre les falaises de l’île.


Le retour jusqu’à Puerto Natales nous permettra de profiter d’une température un peu plus clémente, et donc du pont arrière du bateau.


Le lendemain, c’est une longue journée de bus qui nous attend, car Ushuaïa, la ville la plus australe du monde, est une destination qui se mérite. Au programme, la traversée du détroit de Magellan en ferry, puis plusieurs centaines de kilomètres à travers la Terre de Feu, d’abord parmi d’immenses steppes désertes, où seuls moutons et lamas pâturent, puis à travers de grandes montagnes enneigées.


Nous arrivons à Ushuaïa au coucher de soleil, juste à temps pour observer à la lumière des derniers rayons cette petite ville située aux pieds de grands sommets enneigées, et bordée par le Canal Beagle, au milieu duquel trône le célèbre "Phare des Explorateurs", ou le dernier phare avant la fin du monde. Notre logement aussi, se mérite, car nous nous retrouvons perchés sur la plus haute rue de la ville, ce qui nous offre à la fois une vue magnifique, mais surtout un exercice physique intense, que, ne nous le cachons pas, nous éviterons quelques fois grâce à cette incroyable invention de l’homme qu’est dans un premier temps la voiture, et dans un deuxième le taxi.


Notre première "vraie" journée à Ushuaïa nous emmène au parc national de la Terre de Feu, à quelques minutes seulement de la ville, où plusieurs sentiers nous permettent de profiter d’un paysage splendide malgré le temps quelque peu nuageux, mais finalement heureusement, assez sec. Le premier nous emmène le long du bord de mer boisé, où des milliers de coquillages colorent le rivage. Puis jusqu’à une lagune noire, aux pieds d’une montagne enneigée. Et enfin à travers la forêt jusqu’à une grande baie offrant une belle perspective sur les sommets environnants.


Le soleil accompagne timidement mais gentiment quand même le dernier jour d’Anastasia, dont nous passons une bonne partie à manger (on est français ou on ne l’est pas) notamment pour tester la spécialité de la ville, l’araignée de mer, qui se déguste entière ou en cassolette, accompagnée de béchamel et de parmesan. Verdict sans appel : c’est bon ! Autre spécialité, cette fois-ci du pays : la parilla (à prononcer "paricha"). Le concept est simple, on commande de la viande pour 2 (sachant qu’on est 3) et on nous en sert pour 15. Et quand on croit que c’est fini, on vous amène un demi-agneau, la viande locale, délicieuse mais très forte en goût. Ensuite on roule jusqu’à sa proche destination, et on y dort quelques jours le temps de laisser son corps digérer cette quantité de viande. On ne le refera pas tous les jours, mais ça valait le coup d’essayer.


Le reste de cette journée sera passé à se promener dans la ville et le long du port, où d’immenses bateaux partent vers le continent glacé, l’Antarctique. Nous ne croiserons personne qui semble être en partance, si ce n’est peut être quelques mouettes dont le rayon d’activité nous est inconnu, mais nous avons plaisir à nous imaginer l’impression que ce voyage doit créer chez ces aventuriers.


Nous disons au revoir à Anastasia, qui rentre en France après une petite nuit d’escale à Buenos Aires, et lui emboîtons le pas seulement quelques jours plus tard pour rejoindre dans sa nouvelle ville d’adoption notre cher Jorge, encore lui, que nous retrouvons pour la 2ème fois dans ce voyage, après avoir partagé avec lui une bonne partie des merveilles du Pérou. 


Ici s’achève donc notre descente du continent américain, et commence l’âge doré de la chaleur, des shorts et t-shirts à manches courtes, des plages et des fruits tropicaux, des coups de soleil et des piqûres de moustiques, qui nous emmènera jusqu’à Rio de Janeiro, en passant par la belle Buenos Aires et la tropicale Iguazú.